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Titre de la source : FÉMINISMES DÉCOLONIAUX, GENRE ET DÉVELOPPEMENT Histoire et récits des mouvements de femmes et des féminismes aux SudsAuteur(s) : Christine Verschuur, Blandine Destremau
Éditeur(s) : Armand Colin (Revue Tiers Monde n°209)
Année : 2012
Télécharger l'étude (PDF, Pages 7 à 18)
Qu’est-ce que les études postcoloniales peuvent apporter dans la compréhension de l’histoire et des récits des mouvements de femmes et des féminismes aux Sud ? Les études postcoloniales désignent un domaine de pensée critique né surtout dans les universités étasuniennes dans les années 1980.
Focalisées sur la constitution et l’institutionnalisation des savoirs, des énonciations, des catégories, des représentations et systèmes de pensée, leur essor s’inscrit dans le cadre d’une remise en cause des grands récits qui ont structuré et donné du sens à l’histoire mondiale des cinq derniers siècles, depuis les « découvertes» d’autres continents par des Occidentaux : la modernité, la race, le patriarcat et la famille, la lutte des classes, mais aussi la démocratie, la liberté (ou le libéralisme), l’universalisme.
Il s’agit d’un champ contesté, d’une nébuleuse aux frontières poreuses, qui se démarque de l’anticolonialisme par son orientation épistémique.
En Amérique latine, la perspective décoloniale (plutôt que postcoloniale) représente une alternative pour penser à partir de la spécificité historique et politique des sociétés elles-mêmes, et non seulement vers ou sur elles.
Les mouvements féministes et de femmes ont amplement participé à ces réflexions et ces cheminements politiques, associant décolonisation et «dépatriarcalisation» des pensées, des savoirs et des structures. Ils ont joué un rôle fondamental dans la formulation et l’expression contestataire à l’encontre des ordres idéologiques, politiques, économiques, environnementaux et sociaux, familiaux et de genre, sur lesquels s’est appuyé la mondialisation du capitalisme au cours du dernier demi-siècle et, sous son couvert, le développement. Ils ont contesté le recul de l’intervention étatique dans les politiques sociales, les dégradations environnementales, la division sexuelle du travail et les inégalités dans la nouvelle division internationale du travail, les inégalités et les blocages dans l’accès aux espaces de pouvoir.
Des chercheures féministes comme Chandra Mohanty (1988, 2003), une universitaire indienne immigrée aux États-Unis, se sont ainsi offusquées de la «colonisation discursive » de certaines théoriciennes féministes occidentales.
Elle reproche à ce courant de pensée hégémonique de n’avoir pas intégré les points de vue des femmes de couleur pauvres et de femmes marginalisées du Sud, qui fournissent une compréhension très fine des logiques de pouvoir, et d’avoir construit une image homogénéisante des « femmes du Sud», sans prendre en compte les différences de classe, de race, de caste. Elle dénonce la construction d’une image « coloniale » de « la » femme du Sud, qui serait celle d’une femme muette, impuissante, victime, traditionnelle, alors que l’image de « la » femme occidentale serait celle d’une femme éduquée, moderne, qui contrôlerait son propre corps et sa sexualité, qui aurait la liberté de prendre ses propres décisions.
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