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Titre de la source : Régimes démographiques, genre et procréationAuteur(s) : Arlette Gautier
Pays d'édition : France
Année : 1998
Régimes démographiques, genre et procréation (PDF, 229 Ko)
Qu’est-ce qu’un « régime démographique » ? Comment des variables démographiques telles que la fécondité ou la mortalité, s’articulent-elles avec différents « régimes de procréation » ? Quels sont ces régimes de procréation ? C’est-à-dire, qui contrôle le corps des femmes (en tant que facteur de production/procréation) et comment ?
Voici une communication de la sociologue Arlette Gautier, à l’occasion du colloque international de l’AIDELF.
Résumé :
« La notion de régime ou de système, qu’elle soit appliquée aux variables démographiques, à la construction sociale des différences entre les sexes ou à la procréation, permet de dépasser la description pays par pays et de réfléchir aux relations entre les variables. On essaiera ici de caractériser des régimes de la procréation, dans ses deux aspects des conditions de la procréation (saisies ici par la mise en correspondance des indices de fécondité, de mortalité infantile et de mortalité maternelle) et de relations de procréation (soit le contrôle du corps des femmes et des enfants), en s’appuyant sur les dernières données du FNUAP et des recherches juridiques. »
Extrait :
« “ La femme est notre propriété, nous ne sommes pas la sienne; car elle nous donne des enfants et l’homme ne lui en donne pas. Elle est donc sa propriété comme l’arbre à fruits est celle du jardinier ” (Napoléon – Mémorial de Sainte-Hélène cité par Dhavernas 1978 : 44).
“ Le fœtus est la propriété socialiste de toute la société… Donner la vie est un devoir patriotique ” Ceaucescu 1986 cité par Hord 1991 : 233.
Ces citations semblent confirmer les analyses des féministes matérialistes radicales (Guillaumin 1978 et 1993), qui définissent le rapport social de la femme à l’homme comme une appropriation de la personne même de la femme, proche en cela de l’esclavage plus que du salariat, qui permet seulement l’achat d’un laps de temps donné (mais l’épouse n’est pas cessible à la diférence de l’esclave). De Napoléon à Ceaucescu, on serait passé d’une appropriation privée (par le mari, même si elle est permise par l’Etat) à une appropriation collective, directement par l’Etat, ce qui serait vrai pour les pays communistes (Hom 1992; Hord 1991) comme pour les pays capitalistes (Laurin-Frenette ; Folbre 1997; Tabet 1985; 1998). Il paraît utile, pour vérifier cette hypothèse, de se demander qui contrôle, d’une part, le moyen de production essentiel qu’est le corps des femmes et, d’autre part, leur production, c’est-à-dire les enfants.
Ce contrôle s’exerce dans toutes les sociétés par l’intermédiaire des droits, qu’ils soient inscrits dans des codes civils ou religieux ou qu’il soient coutumiers. Certes, “ Le droit n’est pas la coutume mais il délivre des autorisations, pour les sages comme pour les fous ” (Millett 1971 : 16). Par ailleurs, les droits ne sont pas toujours appliqués. “ Le droit traverse réellement nos vies et sa force tient en ceci que si une loi “ progressiste ” ne suffit jamais à nous libérer, une loi répressive nous asservit à coup sûr. L’exemple de l’avortement le montre assez. D’autre part, le discours juridique cristallise les valeurs de la classe dominante; il participe à l’encadrement idéologique du corps social et contribue à lui imposer une image de la femme qui a sa dynamique propre. Que les femmes se sachent soumises au devoir d’obéissance et privées de droit sur leurs enfants, ou admises à gérer leurs biens et autonomes dans leurs décisions, elles n’auront pas la même confiance en elles et n’envisageront pas le même avenir ” (Dhavernas 1978 : 7). »
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