Le « genre » dans l’approche-projet : entre l’engouement dans les discours et la surcharge dans les pratiques

« L’approche-genre » est aujourd’hui un axe omniprésent dans les projets de développement. La plupart des bailleurs conditionnent leurs financement à l’intégration du genre dans les projets, quelle qu’en soit la thématique. Pourtant, les paroles et les actes ne concordent pas toujours.

Au milieu des années 2000, alors que le gender mainstreaming était encore balbutiant, c’est déjà le constat que posait l’économiste du développement (et ancienne coordinatrice du réseau Genre en action) Elisabeth Hofmann, dans une communication effectuée à  l’université de Rennes 1 en 2006. Dans cette intervention, elle souligne l’écart entre « l’engouement dans les discours » et « la surcharge dans les pratiques » qui caractérisent l’intégration du genre aux projets de développement.

Si le contexte a évolué, les problèmes dénoncés par ce texte demeurent, semble-t-il, très actuels.

Résumé :

« L’intégration du « genre » dans l’approche-projet représente un défi de taille. Il est d’abord indispensable de fonder l’élaboration d’un projet sur la compréhension des rapports de genre dans la société concernée. Ensuite, la prise en compte du genre implique la formulation d’un objectif (souvent secondaire) de réduction des inégalités entre femmes et hommes et la coexistence d’objectifs crée un certain nombre de difficultés dans la démarche de planification par objectifs, propre à l’approche-projet. Par ailleurs, intégrer le genre dans un projet nécessite aussi une prise en compte au sein de l’équipe du projet et une remise en question des fonctionnements institutionnels. De plus, l’approche étant indissociable d’une démarche résolument participative, un projet « genré » s’approche plus d’une recherche-action que d’un projet classique, bien prévu et planifié dans son ensemble. Enfin, l’approche « genre » influence très fortement les processus de suivi-évaluation, par la complexité des évolutions à suivre ou à évaluer (comme «l’empowerment»), par une multiplication de perspectives et par le potentiel fortement formateur de ces processus. »

Elisabeth Hofmann, Économiste du développement et enseignante-chercheure à l’Université Bordeaux Montaigne / Photo Bordelaises mag (c)